L'armée régulière syrienne a repris, jeudi 1er mars, le contrôle du quartier de Baba Amr dans la ville de Homs. Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie, se penche pour FRANCE 24 sur les conséquences de la chute de ce bastion de l'opposition.
FRANCE 24 : La reprise en main du quartier de Baba Amr par le régime constitue-t-elle un tournant important dans la crise syrienne ?
Fabrice Balanche : La chute inéluctable de Baba
Amr est effectivement un tournant de la crise qui secoue la Syrie depuis
près d’un an. D’une part le régime a démontré sa capacité à reprendre
en main une zone qui échappait à son autorité depuis plusieurs mois. La
preuve est ainsi faite qu’un territoire isolé et sans intervention
militaire internationale fini par être écrasé. Une donne qui pourrait
finir par convaincre l’Armée syrienne libre (ASL) de changer de
stratégie et de chercher à obtenir un armement lourd. Car même si l'ASL
prétend avoir opté volontairement pour un "retrait tactique" de Baba
Amr, la chute de ce quartier constitue un échec qui confirme qu’il est
impossible de prendre le contrôle d’une zone et de la garder
indéfiniment.
Cet échec peut-il avoir une incidence sur la mobilisation des opposants ?
F.B. : Le scénario qui a contribué à la chute de
ce quartier peut être de nature à décourager la population car il
démontre que les civils qui accueillent des combattants finiront par en
payer le prix au point d’y perdre la vie ou la totalité de leurs biens.
Toutefois, la contestation est toujours vive dans d’autres régions
et elle est susceptible d’être relancée dans d’autres villes. Mais il
faut garder à l’esprit qu’au sein de la société syrienne, certains
aspirent à un retour au calme malgré leur volonté de changer le régime.
Car ils ne veulent pas d’une guerre civile ou confessionnelle dans le
pays, comme ce fût le cas à Homs ces derniers mois. Enfin, la
mobilisation n’est plus la même que celle qui fut affichée au cours de
l’été, où l’on a pu voir plusieurs centaines de milliers de manifestants
à Homs et à Hama. Aucune manifestation de cette ampleur n’a eu lieu par
exemple à Alep et à Damas, qui restent sous le contrôle du régime
malgré quelques manifestations.
Confronté depuis près d’un an à un soulèvement populaire,
le président Bachar al-Assad reste en place. Comment l’expliquez-vous ?
F.B. : Malgré son isolement international et les
pressions arabes, Bachar al-Assad vient de prouver qu’il reste le maître
du jeu chez lui et qu’il contrôle son élite, son administration et son
armée. Ni les manifestations pacifiques du début du soulèvement ni la
militarisation d'une partie de la contestation qui s’en est suivie n’ont
réussi à le chasser du pouvoir. Et tant qu’il est protégé par la Russie
et la Chine, il ne risque rien sur le plan diplomatique. Ce ne sont pas
les divergences qui règnent dans le camp occidental ni les divisions
qui déchirent l’opposition syrienne qui vont provoquer sa chute. Le
régime syrien n’est pas encore mûr pour tomber.
Quels sont les scénarios probables pour la suite des évènements en Syrie ?
F.B. : Quelques pays comme le Qatar et l’Arabie
saoudite vont essayer d’armer l’ASL et provoquer par conséquent une
guerre civile généralisée dans le pays. Ce qui aurait pour conséquence
de jeter de l’huile sur le feu et de prolonger la crise pendant une
dizaine d’années. Le camp occidental pourrait alors les laisser faire et
se contenter de poursuivre sa politique de sanctions économiques.
L’autre scénario possible serait que les Occidentaux prennent acte de
leur impuissance à faire chuter le régime et se résignent à calmer le
jeu avec Bachar al-Assad. Ce dernier sera de toute manière bien obligé
de négocier avec l’opposition interne représentée notamment par les
Comités de coordination locaux, qui animent la contestation sur le
terrain. Car après avoir recouvré tôt ou tard le contrôle militaire du
pays, à défaut d’une intervention militaire internationale, il devra
reprendre politiquement en main la Syrie.
Marc DAOU (fr24
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