lundi 22 avril 2013

6. Vous avez transféré le pouvoir à la mafia, mon général, la preuve par Sonatrach ! (suite articles du LEMATIN.DZ)


6. Vous avez transféré le pouvoir à la mafia, mon général, la preuve par Sonatrach !Les actuelles investigations du DRS sur les marchés passés par Sonatrach durant l’administration Bouteflika n’auront de sens que si elles aboutissent à la seule conclusion politique majeure : fermer la parenthèse Bouteflika et rendre enfin les clés au véritable propriétaire, le peuple. Cela suppose le report des présidentielles de 2014 le temps de nettoyer la place et de rétablir les conditions d’une véritable élection démocratique. Vous aurez alors fait le dernier putsch, mon général !
Sonatrach 1... Sonatrach 2... Qu’ignorait donc le DRS des manigances qui se commettaient au nom de l’Etat, dans le ventre de la plus grande compagnie algérienne ? Les affaires s’accumulent ; les révélations s’entassent ; les scandales se révèlent au grand jour.
Que va-t-on en faire ? Un procès ? Un procès pour seconds couteaux ? Tout ça pour ça ? Non, l’extraordinaire pillage de Sonatrach par le clan Bouteflika n’est pas une simple opération de délinquance économique ; il est le fait conscient d’un pouvoir prédateur qui a planifié, en toute conscience, son méfait. Sonatrach n’a pas été victime d’un ordinaire délit de brigandage mais d’un épisode tragique de criminalisation de l’Etat, minutieusement préparé dès 1999, peut-être même dès l’été 1998, par ceux-là qui firent démissionner Zéroual pour installer Bouteflika. Le pillage de Sonatrach est d’abord un acte politique. La pègre pétrolière internationale a obtenu du nouveau chef de l’État algérien deux concessions majeures qui annulent, de facto, la nationalisation du pétrole de 1971 : la promulgation de la funeste loi sur les hydrocarbures de 2005 (retirée depuis) et la « privatisation » de Sonatrach qui deviendra une sorte de caisse noire gérée dans l’opacité. Pour cela, la pègre internationale a réussi à installer son homme, Chakib Khelil, au sein du gouvernement algérien avec l’aval du nouveau chef de l’État. Abdelaziz Bouteflika le connaît bien, puisqu’il fréquentait le même lycée d’Oujda, le lycée Abdelmoumène. Chakib Khelil fut nommé à la tête du ministère de l’Énergie avec pour principale mission de contrôler Sonatrach et de la soustraire aux regards extérieurs. Le DRS ne peut pas ignorer cela puisque, selon des sources concordantes Bouteflika l’a imposé au gouvernement malgré l’opposition des services de renseignements de l’Armée qui en avaient rejeté la candidature pour désertion avérée. Chakib Khelil, né à Oujda au Maroc le 8 août 1939, fait partie de cette catégorie d’étudiants au Maroc qui ont préféré, entre 1956 et 1960, désobéir à l’appel de la wilaya V de Boussouf (dont l’état-major était basé au Maroc) et rejoindre l’Europe et l’Amérique plutôt que le maquis. Rejoindre la résistance était, rappelons-le, une obligation incontournable pour les étudiants algériens, sous peine d’être poursuivis pour désertion.
L’escroquerie Sonatrach a été mûrement réfléchie. Chakib Khelil a pour mission de contrôler Sonatrach et de la soustraire aux regards extérieurs. Le tout nouveau ministre va immédiatement entourer de barbelés la poule aux oeufs d’or : il ne laissera personne s’en approcher. Dans un premier temps, il la coiffera lui-même, cumulant grossièrement sa haute fonction au sein du gouvernement avec celle de directeur général de Sonatrach. C’était, lui semblait-il, le meilleur moyen d’assurer la confidentialité à des besognes non avouables. Après quatre ans le procédé devenait cependant assez gênant et le ministre finira par consentir à nommer un successeur à la tête de Sonatrach. Un prête-nom qui n’aurait aucun pouvoir, qui laisserait faire le clan, mais dont la désignation formelle sauverait les apparences aux yeux de l’opinion. Où trouver ce dirigeant fictif ? Chakib Khelil va avoir une idée diabolique : placer aux commandes de l’entreprise un homme atteint d’un cancer avancé et qui passe ses journées dans les séances de chimiothérapie sur un lit d’hôpital. Un homme entièrement absorbé par son combat contre la mort, et donc totalement absent. Le 7 mai 2003, sur proposition de son ministre de l’Énergie, le Président Bouteflika nomme donc Djamel-Eddine Khène, grand malade, directeur général de Sonatrach. Le Matin sera le premier journal à le scandale et à dénoncer le procédé inhumain qui consiste à exploiter le handicap d’un homme pour des desseins politiciens et à l’empêcher de se soigner convenablement. Le journal recevra, en retour, une avalanche de démentis accompagnée de fortes giboulées de prêches moraux. De son côté, Chakib Khelil menacera le journal de poursuites judiciaires pour diffamation.
Le Matin avait, hélas ! raison : Djamel-Eddine Khène mourra le 7 juillet 2003, deux mois à peine après sa désignation. Le clan Bouteflika venait sans doute de hâter la mort d’un cancéreux.
Et Sonatrach sera, ainsi, livrée à la prédation, celle-là sur laquelle enquête aujourd’hui le DRS et la justice italienne.
Conformément au plan de la pègre pétrolière internationale, Chakib Khelil va préparer une première mouture de la nouvelle loi sur les hydrocarbures dès l’année 2000, texte qui ne fera pas l’unanimité au sein du clan lui-même. Bouteflika attendra sa réélection en 2004 pour faire adopter la loi, profitant d’une du nouveau rapport de forces favorable. Cette scélérate loi de libéralisation du secteur de l’énergie (gelée depuis) autorisait un pillage en règle du sous-sol algérien par les majors anglo-saxons moyennant quelques dividendes accordés à leurs amis algériens.
Entre-temps Chekib Khelil va mettre sur pied avec les «copains», une société mixte algéro-américaine, Brown and Root Condor, BRC, une joint-venture entre Sonatrach (51%) et la compagnie du vice-président américain Dick Cheney, Halliburton. BRC était dirigée par un autre natif de Hennaya, le village natal du père de Bouteflika : Moumène Ould Kaddour. Mais cela non plus, les enquêteurs du DRS ne pouvaient pas l'ignorer puisque l’Inspection générale des finances, saisie par le chef du gouvernement, allait ouvrir, deux ans plus tard, une enquête sur les relations suspectes entre Chakib Khelil et Brown and Root Condor et découvrait que Sonatrach avait confié, illégalement, vingt-sept projets à la société mixte pour un montant global de soixante-treize milliards de dinars. Moumène Ould Kaddour terminera en prison suite à d'autres affaires scabreuses et BRC sera dissoute, dans la précipitation, par le clan présidentiel.
Entre-temps, Sonatrach fonctionnait dans l’absence totale de contrôle. Avec toutes les conséquences que l’on sait.
Alors, pourquoi s’étonner en 2013 des méfaits de cambrioleurs qu’on a introduits dans la maison en 1999 ? Le pouvoir «civil» de Bouteflika a fait en sorte que l’Algérie soit l’un de ses État autocratiques où la gestion de la rente pétrolière n’a jamais fait l’objet d’un débat public. Personne n’est en mesure de dire comment elle est gérée, où sont placées ces énormes masses d’argent générées par les hydrocarbures. Le pouvoir «civil» de Bouteflika a foulé aux pieds lignes des décisions les plus sages prises par un…pouvoir militaire : le Conseil national de l’énergie, créé en 1995 sous la présidence de Zeroual, «chargé d’assurer le suivi et l’évaluation de la politique énergétique nationale à long terme, notamment de la mise en oeuvre d’un plan à long terme destiné à garantir l’avenir énergétique du pays», n’a jamais été convoqué par Bouteflika. Et pour cause ! Cette instance présidée par le chef de l’État et composé des ministres de l’Energie, de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances, ne s’est plus réunie depuis 1998.
Alors, pourquoi enquêter sur les larcins de voleurs à qui on a remis les clés de la maison ? Au risque de nous répéter, le DRS n’est pas un appendice judiciaire. Il n’a pas pour vocation d’apporter un traitement juridique à des affaires hautement politiques, car, et on ne le dira jamais assez, l’extraordinaire pillage de Sonatrach par le clan Bouteflika n’est pas une simple opération de délinquance économique, mais un acte politique gravissime commis, en toute conscience, avec ceux-là qui firent démissionner Zéroual pour installer Bouteflika. Le pillage de Sonatrach est d’abord un acte politique. À ce titre, il ne relève pas seulement des tribunaux, mais d’une décision politique capitale : fermer définitivement la parenthèse Bouteflika et rendre les clés de la maison à son propriétaire, le peuple algérien. Les actuelles investigations du DRS sur les marchés passés par Sonatrach durant l’administration Bouteflika n’auront de sens qu’à cette seule condition. Ce serait alors une initiative historique de salut public dont l’armée algérienne reste redevable envers son peuple car, regardons bien, de quelque côté que l’on prenne l’affaire Sonatrach, on tombe sur la responsabilité incontestable des chefs militaires. Sans le transfert suicidaire du pouvoir à un pseudo civil, en 1999, Sonatrach n’aurait pas subi cette incroyable mise à sac. Le pillage de Sonatrach n’a été rendu possible que parce que cet obscur transfert du pouvoir à un civil a fait effondrer ce qu’il restait de l’Etat algérien et qu’il s’est transformé en « transfert de pouvoir aux groupes mafieux.»
Mohamed Benchicou
A suivre

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