Il était l'un des avocats les plus controversés et redoutés du barreau de Paris. Me Jacques Vergès, le ténor toujours à la pointe des luttes anti-colonialistes, est mort jeudi à l'âge de 88 ans.
Prenant pour cibles l'Etat, la société ou la Justice, pour défendre une cause autant qu'un client, cet avocat médiatique et narcissique, fin lettré, petit et rond, aimait provoquer et déstabiliser.
La liste de ses clients était impressionnante. Il a notamment défendu le nazi Klaus Barbie, le "révolutionnaire" Carlos ou le khmer rouge Khieu Samphan mais aussi les membres des mouvements d'extrême-gauche européens (Fraction armée rouge, Action directe), les activistes libanais Georges Ibrahim Abdallah et Anis Naccache, le dictateur serbe Slobodan Milosevic etc. Il était aussi disposé à défendre le dirigeant libye Mouammar Kadhafi
On peut encore citer la famille Boulin, la fille de Marlon Brando, le capitaine Barril, le jardinier marocain Omar Raddad, le tueur en série Charles Sobrhraj, des dirigeants africains etc.
Jacques Vergès est né le 5 mars 1925 - mais un an plus tôt selon un biographe - dans l'actuelle Thaïlande (à Ubon Ratchathani), d'un père français de la Réunion et d'une mère vietnamienne, morte lorqu'il avait trois ans. La famille s'installe à la Réunion, où le père devient député communiste et où son frère jumeau Paul créera le PC réunionnais.
Il s'engage à 17 ans dans les Forces Françaises Libres, à Londres. Démobilisé, il s'inscrit au PCF, devient président de l'association des étudiants coloniaux et rencontre Pol Pot, le futur Khmer rouge. Puis il séjourne à Prague de 1951 à 1954, avant de rentrer à Paris fin 1955 et d'y suivre de brillantes études d'avocat.
Engagé à fond dans la guerre d'Algérie, il devient l'avocat du FLN et quitte le PCF en 1957, le jugeant "trop tiède" sur ce dossier. En 1963, il épouse - en secondes noces - la militante du FLN Djamila Bouhired, après l'avoir sauvée de la peine de mort.
Il embrasse ensuite le maoïsme en créant le périodique Révolution et soutient le FPLP palestinien.
De 1970 à 1978, Jacques Vergès disparaît. Au retour, il laisse planer le mystère sur cette période, se bornant à dire qu'il a passé des vacances "très à l'est de la France", et reprend ses activités d'avocat.
Jacques Vergès a monté au théâtre un plaidoyer intitulé "Serial plaideur" et a publié une vingtaine de livres, dont "Dictionnaire amoureux de la justice", "Le salaud lumineux", "Justice pour le peuple serbe", "Beauté du crime", "La démocratie à visage obscène", "Sarkozy sous BHL" etc. En 2007, Barbet Schroeder lui a consacré un film intitulé "L'avocat de la terreur".
avec dépêches
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