Le vice-président brésilien Michel Temer a réuni lundi les cadres de son parti PMDB qui officialisera mardi sa rupture avec Dilma Rousseff, espérant précipiter la chute de la présidente de gauche, à laquelle il succèderait.
Mardi, la direction nationale de son puissant Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre), incontournable allié de la coalition chancelante dirigée par le Parti des travailleurs (PT, gauche), se réunira à Brasilia pour officialiser le divorce.
«Ce sera une réunion de sortie, d'adieu au gouvernement. Nous calculons un vote à plus de 80% en faveur d'une sortie» de l'exécutif, a indiqué à l'AFP Osmar Terra, député PMDB et membre de la direction nationale.
La direction du parti laissera «jusqu'au 12 avril pour que tous les membres du PMDB occupant un poste au gouvernement partent», a précisé un porte-parole de Michel Temer, qui succèderait à Mme Rousseff jusqu'aux élections générales de 2018 si elle était destituée par le Parlement.
Ces dernières semaines, ce discret avocat constitutionnaliste de 75 ans n'a jamais défendu la présidente, embourbée dans une crise politique majeure à l'approche du vote des députés sur sa destitution, attendu mi-avril.
Dilma Rousseff, accusée d'avoir maquillé les comptes publics et fragilisée par le méga-scandale de corruption Petrobras qui éclabousse le PT au pouvoir depuis 13 ans, a multiplié lundi les consultations avec les ministres issus du PMDB pour les persuader de rester.
Ce parti compte sept ministres et 69 députés sur 513 au total. Sa rupture annoncée hypothèque un peu plus les chances de Mme Rousseff de se maintenir au pouvoir.
L'opposition de droite, ralliée par la majorité du PMDB, tente d'obtenir les deux tiers des votes des députés (342) nécessaires pour prononcer la mise en accusation de la présidente devant le Sénat, faute de quoi la procédure serait enterrée.
Ce vote devrait intervenir mi-avril.
L'opposition accuse Mme Rousseff d'avoir maquillé les comptes de l'État en 2014 et 2015 pour minimiser l'ampleur des déficits publics.
Effet boule de neige
«Je vois avec tristesse que le PMDB veut quitter le gouvernement», a réagi à Sao Paulo l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, annonçant qu'il partait à Brasilia pour tenter de rencontrer M. Temer.
Le camp présidentiel craint, dans la foulée du départ du PMDB, une dislocation fatale des partis divisés et hésitants du «grand centre» de sa coalition, qui envisagent à leur tour de quitter le navire présidentiel.
Le PP (centre-droit, 49 députés et un ministre), troisième formation en nombre de députés, va se réunir mercredi, selon l'un d'eux, Jerônimo Goergen, qui estime que «30 parlementaires» veulent rompre avec la coalition.
«Nous allons nous réunir cette semaine pour décider si nous restons ou non au gouvernement», mais déjà «une grande partie des députés est contre le gouvernement actuel», a assuré à l'AFP le député Heuler Cruvinel, du PSD (centre-gauche, 32 députés et un ministre).
La discipline parlementaire étant très fragile au Brésil, les deux camps exercent un lobbying forcené en coulisses, député par député.
Escarmouches au Parlement
De vifs affrontements ont éclaté lundi dans une salle du Parlement, au moment où le président l'Ordre des avocats du Brésil (OAB) déposait une nouvelle demande de destitution contre Mme Rousseff, y ajoutant des accusations de tentative d'entrave à l'enquête Petrobras.
«Putschistes!», ont crié des partisans du gouvernement aux avocats, qui ont rétorqué en entonnant l'hymne brésilien, avant l'intervention des services de sécurité.
La présidente se dit victime d'une tentative de «coup d'État» institutionnel «sans base légale» de l'opposition, soutenue, selon son camp, par les groupes de médias brésiliens dominants et des juges politisés.
La crise politique qui ébranle le géant d'Amérique latine en pleine récession économique s'est brusquement accélérée au mois de mars.
Des millions de Brésiliens, essentiellement de la classe moyenne blanche, ont défilé pour réclamer le départ de Mme Rousseff, entraînant des contre-manifestations moins nombreuses de la gauche.
Désemparée, la présidente a nommé son mentor et prédécesseur Lula chef de cabinet (quasi-Premier ministre) pour qu'il l'aide à sauver son mandat, alors que pèsent sur lui des soupçons de corruption dans l'enquête Petrobras et la menace d'une arrestation.
Cette nomination très controversée a été suspendue par un juge du Tribunal suprême fédéral (STF) qui a dit suspecter une possible entrave à la justice.
Une décision définitive en séance plénière ne surviendra pas avant la semaine prochaine, a indiqué le STF.
Le PT et sa mouvance syndicale ont appelé la gauche à manifester massivement jeudi «en défense de la démocratie».
DAMIAN WROCLAVSKY, EUGENIA LOGIURATTO Agence France-Presse Brasilia
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