lundi 16 mai 2016

Pourquoi l’affaire du rachat d’El Khabar est surtout politique

Depuis deux semaines, le rachat du groupe de presse El Khabar par Ness Prod, filiale de Cevital, suscite de vives réactions. Au-delà de la dimension juridique de la question liée à la validité ou non de cette transaction commerciale, cette affaire est « éminemment politique » voire que « politique », selon le politologue Rachid Grim.

Rebrab, un « anti-Bouteflika »

D’abord, El Khabar est un journal arabophone « très lu » qui « se situe un peu dans l’opposition »,
explique notre interlocuteur. Ensuite, Issad Rebrab « n’est pas dans la ligne du pouvoir », avance-t-il. « Sans être dans l’opposition, le patron de Cevital est indépendant du pouvoir », explique le politologue.

En 2014, Issad Rebrab avait claqué la porte du FCE pour se démarquer du soutien apporté par l’organisation patronale au deuxième mandat du président Bouteflika, rappelle le politologue. L’homme d’affaires avait alors dit « qu’il ne voulait pas que le FCE se positionne », poursuit Rachid Grim. Cela était suffisant pour qu’il soit catalogué « comme étant un anti-Bouteflika ». « De toutes les façons, il l’est », précise M. Grim.

Présidentielle 2019


Le patron de Cevital a les « finances nécessaires » pour assurer le développement du groupe de presse arabophone. Le poids que pourrait acquérir l’homme d’affaires avec ce journal arabophone et sa télévision risque de « déstabiliser le pouvoir qui veut garder la main sur toutes les chaînes de télévision privées », explique Rachid Grim.


Le rachat du groupe de presse peut constituer « un véritable danger pour le pouvoir » avec l’approche des élections législatives en 2017 et surtout de la présidentielle en 2019, selon lui. « Quelqu’un qui aurait un groupe de presse pareil peut déstabiliser le scénario que le pouvoir est en train de tracer pour la succession et qu’on ne connaît pas encore », explique Rachid Grim.

La protection du DRS

Le politologue fait le parallèle entre le développement du groupe d’Issad Rebrab dans le secteur des médias et celui de Moumene Khalifa. « Rappelez-vous ce qui est arrivé à Khalifa après avoir créé deux télévisions avec lesquelles il s’est amusé à jouer contre le pouvoir », dit-il. Et d’ajouter : « ils (le clan du président Bouteflika) ne veulent pas de cette puissance ».

Est-ce la continuité de la guerre des clans ? « Rebrab a déjà eu des soutiens par le passé. L’homme a toujours été protégé par le DRS. Sinon, ils (le clan du président Bouteflika) lui auraient réglé son compte depuis longtemps puisqu’il dérange », répond le politologue. Pour lui, le groupe de presse El Khabar peut être un « outil extraordinaire » dans la « perspective de la succession ».

Est-ce que le général Toufik ou les anciens du DRS sont derrière cette opération ? « C’est ce que le pouvoir fait dire à El Moudjahid par exemple. Pour moi, c’est plausible même s’il est un peu étonnant qu’un entrepreneur joue ce jeu-là. Je ne sais pas ce qu’il gagnerait en entrant dans cette guerre contre le pouvoir alors qu’il sait pertinemment qu’il va la perdre », conclut Rachid Grim.
tsa-algerie.com/

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