vendredi 3 juin 2016

Uber en Arabie saoudite : pourquoi les femmes sont inquiètes

Uber est un véritable phénomène de société en Arabie saoudite, en particulier auprès des femmes qui n'ont pas le droit de conduire. Mais peut-on vraiment parler d'une avancée ? 

La « bonne nouvelle » n'a pas réjoui les Saoudiennes. Mercredi 1er juin 2016, le fonds souverain
saoudien a annoncé avoir investi 3,5 milliards de dollars (environ 3,1 milliards d'euros) dans la société de transport américaine Uber. L'investissement le plus important réalisé par cette entreprise depuis sa création en 2009. En échange, l'un des gérants du fonds saoudien, Yasir Al Rumayyan, aura son siège... au conseil d'administration de l'application spécialisée dans le transport de personnes. Les femmes, qui représentent plus de 80% des utilisateurs saoudiens de Uber, s'inquiètent de ces tractations sans précédent. Explications.

Uber et l'émancipation des Saoudiennes


Les femmes ne peuvent pas conduire en Arabie saoudite. Pour quitter leur domicile, se rendre sur leur lieu de travail ou chez des amis, les Saoudiennes dépendent des hommes. Père, mari, frère ou chauffeur privé les conduisent jusqu'à leur destination. Les taxis traditionnels, elles évitent, ce n'est pas dans leur culture. « Prendre un taxi pour une femme en Arabie saoudite reste quelque chose d'un peu honteux », rappelle un article du Courrier international, publié le 14 juillet 2015.

Les femmes devraient avoir le droit de conduire
Alors lorsque les sociétés de transport ont commencé à s'installer et à se populariser, un vent de révolution a légèrement soufflé dans le pays. Uber, arrivé en 2013, est plébiscité par les femmes. Il ne s'agit pas que d'une question économique (une voiture Uber coûte évidemment moins cher qu'une voiture privée). Connaître l'identité du chauffeur les rassure, aussi. Dans la presse américaine, on argue même que l'entreprise a un impact positif sur l'émancipation des Saoudiennes. Et de citer, en décembre 2015, l'événement organisé en partenariat avec Uber par la princesse Remma bint Bandar Al Saud, entrepreneure et défenseure des problématiques de santé. L'objectif était de sensibiliser les femmes au cancer du sein. Près de 10.000 Saoudiennes étaient attendues et, pour l'occasion, Uber avait réservé à la demande de la princesse 2000 véhicules « pour faire en sorte que le plus grand nombre possible de femmes puissent assister à ce moment », peut-on lire sur Fast Company.

Avec ce financement saoudien, Travis Kalanick, l'un des fondateurs de l'application, explique dans un communiqué, relayé par le New York Times, vouloir « continuer à étendre sa présence à l'échelle internationale ». L'homme d'affaires américain ajoute que « l'Arabie saoudite est un bon exemple de ce que peut faire Uber en faveur des clients, des conducteurs et des villes ». Interrogé sur la question des femmes, Uber répond alors au New York Times que l'entreprise pense évidemment que, dans le royaume, « les femmes devraient avoir le droit de conduire ». « Comme ce n'est pas le cas, nous avons pu créer une mobilité exceptionnelle, qui n'était jusqu'alors pas envisageable », a justifié Jill Hazelbaker, porte-parole de l'entreprise, sans évoquer la manne financière que représente cette tranche de la population.

Uber est un "outil" occidental

Ne pas pouvoir conduire, c'est bien contre cela que les femmes luttent en Arabie saoudite. Pour certaines d'entre elles, l'investissement massif du pays ne présage rien de bon pour leur situation. « Nous nous battons depuis des années pour avoir la possibilité de conduire nos propres véhicules. Si notre pays ne nous accorde pas ce droit, qu'est-ce qui vous fait dire qu'Uber va changer cela ? », explique une Saoudienne à l'édition américaine de Buzzfeed.

Une étudiante basée à Riyad ajoute : « Uber est comme les satellites, les téléphones mobiles, ou même Twitter. Ce sont des outils occidentaux que l'Arabie saoudite ne peut pas contrer. Mais cela ne changera jamais notre culture, en tout cas jamais en profondeur. Donc oui, nous avons Uber, mais nous ne pourrons jamais conduire ce type de voitures ». Rana, technicienne dans une entreprise de communication conclut : « Nous devons faire face à des hommes religieux. Uber n'est pas plus puissant que ces hommes, ici ».
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Arièle Bonte | Le 03 juin 2016

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