Vingt-quatre heures après la publication de la lettre de Mehri, et dans un geste « spontané », Hocine Ait Ahmed adresse une lettre à ce dernier dans laquelle il le félicite pour son initiative politique et l’assure du soutien du FFS : « Je veux t’assurer de l’importance et de l’intérêt que je porte à ta contribution. Elle représente, dans la crise actuelle, une initiative forte et pertinente, écrit Hocine Ait Ahmed. Je suis heureux, sans être vraiment surpris, de noter entre nous, des convergences essentielles, dans l’analyse politique de la situation du pays. »
La mise en scène est parfaite. Le leader du FFS prend soin de faire part de son accord pour le répit accordé à Bouteflika : « le cinquantenaire de l’indépendance verra de nouveau le peuple algérien fier de son passé et rassuré sur son avenir’ ».
C’est le moment de revenir à Mostefa Bouchachi.
C’est à l’aune du projet Mehri-Ait Ahmed, inspiré par El-Mouradia, qu’il s’exprime désormais. Libéré de son devoir de réserve, il se dévoile alors et appuie le délai accordé à Bouteflika dans le dit projet : « Nous savons tous que personne ne souhaite de vacance de pouvoir dans ce pays, nous savons tous à quel point c’est dangereux, surtout dans un pays comme l’Algérie, cela peut nous mener tout droit vers une situation à la libyenne. (…) On peut envisager la mise en place d’un gouvernement de coalition nationale qui organise de vraies élections dans lesquelles tout le monde participera. [la démission de Abdelaziz Bouteflika] n’est pas nécessaire à mon avis, à partir du moment où il accepte cet accord. »
Qu’en pense alors le chef de l’Etat ? Une « source proche de la présidence » annonce dans un article « autorisé » du Jeune indépendant (1), un quotidien qui a les faveurs d’El-Mouradia, que « le pouvoir en place semble apprécier la position et les propositions du FFS (…) qui n’a jamais abandonné ses luttes pacifiques, des personnalités nationales et historiques en association avec d’autres personnalités et hommes politiques sincères, (qui) peuvent constituer le nœud gordien de la renaissance nationale. Un profond changement politique, économique, constitutionnel est nécessaire aujourd’hui (…) Selon une source proche du dossier, le président Bouteflika « doit préparer l’Algérie à un véritable changement politique et constitutionnel avec la participation de l’ensemble de la classe politique et des personnalités nationales telles que Aït Ahmed, Mehri et Hamrouche. Le pays doit arriver à faire naître la deuxième République algérienne. (…) L’élection présidentielle pluraliste devrait être annoncée pour le 5 juillet 2012, date de naissance de la deuxième république démocratique et sociale ! ».
Comprenons donc que le projet Mehri est accepté.
Isoler les généraux et l’Etat DRS
Les « confidences » d’El-Mouradia à notre confrère Le jeune indépendant ne laissent planer aucune équivoque. La « deuxième république » projetée par le tandem El-Mouradia-Sant’Egidio est définie en opposition à « première République qui a pris le pouvoir en 1962 (et qui) a échoué dans son entreprise. Le GPRA et la Constituante ont été dissous par les partisans du KO. » Autrement dit, revenir à 1962, au GPRA de Benkhedda et effacer le putsch de l’armée de Boumediène (« les partisans du KO ») qui a installé Ben Bella de force. Revenir à une Algérie sans militaires, offerte à un pouvoir civil, cette Algérie pour laquelle s’est battue ait Ahmed !
Comprenons par là que « deuxième république » sera donc une république sans généraux. On nage en pleine hypocrisie : c’est Bouteflika qui était l’un des agents les plus zélés du putsch militaire de 1962 contre le GPRA !
Qui tirera les marrons du feu si ce scénario venait à voir le jour ?
Il est à craindre que ce ne soit Bouteflika. Ce qui intéresse Bouteflika dans le plan des partis de Sant’Egidio, c’est qu’il épouse parfaitement son propre plan : laisser la succession à son frère. Car, contrairement aux illusions répandues ici et là, le président n’a pas renoncé à son projet de faire élire Saïd Bouteflika, en dépit des révoltes arabes.
Le rapprochement avec les partis de Sant’Egidio sert sa stratégie de niveler le terrain pour son petit frère ; lui enlever le poids de l’armée ; lui offrir un « parti majoritaire » à la place du FLN (remisé au placard) et du RND (dissous ?) ; agréer de nouveaux partis qui lui serviraient de « soutiens satellites » ; organiser des législatives anticipées pour le mettre sur selle avant l’échéance 2014… C’est tout cela qu’annonce le Jeune indépendant.
M.B.
(1) Le jeune indépendant, mercredi 9 mars 2011-03-11
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