lundi 18 juillet 2011

Algérie. Le gouvernement spectateur de la crise de la dette qui menace les 100 milliards de dollars placés à l’étranger ?


Par Dr Abderrahmane MEBTOUL
Il est étonnant que les responsables algériens assistent, comme cela a été le cas pour la grève d’Air Algérie où c’est le ministre des transports français qui a poussé les autorités algériennes à trouver une solution, en spectateurs à un évènement mondial faute de gouvernance. Même des journaux supposés être proches du pouvoir commencent à se poser de réelles questions et se demandent s’il existe un pilote à bord.
Or, pour l’Algérie le déficit budgétaire uniquement pour l‘année 2011 dépasse 62 milliards de dollars, l’économie algérienne étant mono exportatrice et le prix des hydrocarbures est dépendant de l’extérieur.
Rappelons les effets de la crise de 1986 avec les ondes de chocs en 1994 (cessation paiement) , la chute de près de moitié (45%) des recettes en devises entre 2008/2009. Actuellement, en ce mois de juillet 2011, tous les dirigeants du monde et experts des pays développés et pays émergents alertés sont présent dans les médias lourds. En effet, le risque d’insolvabilité, américain combinée avec l’actuelle crise européenne serait catastrophique tant pour l’économie mondiale entrainant une récession généralisée pire que celle d ‘octobre 1929 et celle 2008 du fait des interdépendances des économies et donc sur l’économie algérienne. La reprise économique mondiale en cours, étant encore fragile, on ne peut pas exclure l’hypothèse d’une rechute dans les prochaines années, s’il advenait que la dépense publique se ralentisse et que la croissance ne soit pas reprise par l’entreprise privée, et ce à mesure de l’atténuation de l’impact des mesures de relance budgétaires et monétaires sur la croissance.

1- Economie mondiale : un endettement public mondial inquiétant

Selon le site international Wikipedia, en 2011, la dette publique US dépasse les 14 200 milliards de dollars, soit plus de 95% du PIB, étant supportée par des créanciers principalement japonais, chinois, européens et arabes notamment les pays du Golfe. Cependant, les 7 000 milliards de dollars de placements américains dans le monde reçoivent plus de dividendes de leurs investissements à l’étranger que le pays ne paie d’intérêts sur leurs dettes, les avoirs américains à l’extérieur étant essentiellement composés d’actions alors que les créances étrangères correspondent à des titres obligatoires sur le Trésor américain. La différence de rendement entre des actions et des obligations explique que les États-Unis restent, en dépit de leurs déficits, des investisseurs bénéficiaires. [Pour l’Europe, à l’occasion de son séminaire européen qui s’est tenu à Namur (Belgique) du 22 au 24 mai 2010, pour l’organisation CADTM, la dette publique européenne serait passée de 7300 à 8 700 milliards d’euros entre 2007 et 2009.
Le bloc des cinq pays jugés fragiles de la zone euro – Portugal, Irlande, Grèce, Espagne, Italie – souffre de difficultés financières aigües. Quant au G7 pour CMA DataVision, au 01 janvier 2010 31 décembre 2009, il totalise 30.000 milliards de dollars de dette publique et ce montant a cru depuis. La situation actuelle est insupportable et dangereuse et conduira au chaos si l’on n’entreprend pas de réformes profondes. Si les Etats-Unis ne mettent pas de l’ordre dans leur budget et ne font pas davantage d’économies, ils vont au-devant de problèmes douloureux avec pour risque d’accentuer la récession mondiale, le dollar représentant en 2010 60% des transactions mondiales contre 27% pour l’euro. Pour l’Europe, des pays comme la Grèce, l’Italie, le Portugal et l’Espagne seront tôt ou tard menacés d’insolvabilité et l’Union européenne redoutera tôt ou tard que ces pays ne sombrent dans un chaos semblable à celui de l’Argentine en 2002 et de l’Islande en 2008. Ces chocs vont bouleverser une nouvelle fois l’économie mondiale. D’où l’urgence d’une refonte du système monétaire international avec de nouvelles institutions de régulation.
En effet, l’émergence d’une économie et d’une société mondialisées et la fin de la guerre froide depuis la désintégration de l’empire soviétique, remettent en cause la capacité des États- nations à faire face à ces bouleversements. Les gouvernements à travers les États-Nations – et la crise actuelle en est la démonstration, sont désormais dans l’impossibilité de remplir leurs missions du fait de la complexification des sociétés modernes, de l’apparition de sous-systèmes fragmentés, de l’incertitude liée à l’avenir et de la crise de la représentation politique, d’où l’exigence de s’intégrer davantage dans un ensemble plus vaste pour pouvoir répondre aux nouvelles préoccupations planétaires. Cette régulation mondiale est rendue d’autant plus urgente avec cette financiarisation accrue car il s’échange chaque jour 4.000 milliards de dollars de devises sur les marchés des changes, trois fois plus qu’il y a une décennie, selon l’enquête triennale publiée fin aout 2010 par la Banque des règlements internationaux.
Les acteurs non bancaires font désormais la moitié des transactions, la City renforçant sa prééminence, avec 37 % des échanges de monnaies et 46 % des transactions sur les dérivés de taux d’intérêt. Paris avec 3 % du négoce de devises et 7 % sur les dérivés (troisième rang derrière Londres et New York). Nous assistons à l’entrée du dollar australien, le won coréen, la lire turque, la roupie indienne, ces monnaies qui progressent, au détriment du billet vert et l’introduction du yuan chinois sur ce marché dans un proche avenir devrait entrainer de profonds bouleversements. En l’absence d’institutions internationales réformées tenant compte des nouvelles mutations mondiales et notamment des pays émergents, capables de prendre le relais de la souveraineté étatique défaillante, le risque est que le seul régulateur social demeure les forces du marché à l’origine d’ailleurs la crise mondiale actuelle.
2- Bons de trésor américains et stratégie de la cotation du dollar
La politique de dépréciation du dollar correspondant à une politique volontaire de baisse du dollar afin d’essayer de réduire le déficit commercial et de limiter la valeur réelle des USA de leur endettement mondial libellé en dollars. Une forte remontée du dollar face aux principales monnaies mondiales, supposerait une forte hausse des taux d’intérêts de la Fed et une baisse de la création monétaire, en contradiction avec le programme du nouveau président US dans la mesure où toute appréciation aurait pour conséquence le frein du marché immobilier (crédits inabordables du fait d’une hausse des intérêts sur les ménages endettés à taux variables), la consommation américaine pouvant être freinée avec le risque d’accélération des faillites des entreprises.
Cependant au vu des perspectives tant de l’économie mondiale que de l’économie américaine, il est attendu que la Fed relève dans un proche avenir son taux d’escompte mais d’une manière graduelle comme cela a été le cas récent pour la Banque centrale européenne. Cette politique monétaire des USA est intiment lié au fonctionnement actuel du système monétaire international.
Avant 1971, date à laquelle ou existait une relations directe entre la parité du dollar et le stock d’or (parité fixe contenu dans les accords de Breeton Woods) cette parité ayant été remplacée par des taux de change flexible par la suite. L’endettement net extérieur a été la résultante des déficits de la balance commerciale américaine accumulés depuis les années 1980. Aussi, les Etats-Unis d’avant la crise ressemblent à une banque d’investissement qui se finance massivement en émettant de la dette et investit de façon colossale en actifs risques étrangers (stocks, investissements directs). Justement, concernant les bons de trésor, face à cette situation, la Fed américaine pourrait envisager d’accroître sa capacité d’échange de bons du Trésor contre des produits obligataires dépréciés et ce afin de trouver les fonds nécessaires pour continuer de nettoyer le bilan des établissements financiers des actifs “toxiques”.
Néanmoins, selon Philippe Béchade, membre de la fondation Agora et spécialiste des marchés, “plus la Fed engrange des positions de moindre qualité (même si elle s’en défend), plus l’avantage des T-Bonds – en termes de sécurité – se réduit par rapport aux emprunts émis par des entreprises disposant d’un bon matelas de cash et de revenus récurrents”. Le risque n’est-il pas une nouvelle bulle qui risque de toucher les bons du Trésor US ? Ainsi, les investisseurs qui cherchent refuge dans les bons du Trésor US pour se prémunir des risques, ne feront qu’accélérer le transfert du bilan des banques du secteur privé vers celui du prêteur en dernier ressort avec l’accélération du déficit budgétaire. Ce qui se répercutera sur le dollar dans la mesure où la création monétaire ex-nihilo et la baisse de la qualité de la devise se traduit par une baisse simultanée de la rémunération, les placements dans les bons du Trésor US s’apparentant à épargner plus pour gagner moins.
Dès lors du fait du manque de confiance, l’on pourrait assister à une chute du dollar américain qui entraînera une vente massive des bons du Trésor US. Quant à la part chinoise, elle représente environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, étant concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Courant 2010, sur 2450 milliards de dollars de réserves de change chinois une grande partie est libellée en dollars. A fin août 2010, la Chine détenait un total de 868,4 milliards de dollars de bons du Trésor américains, selon des chiffres officiels américains et 1000 milliards de dollars courant 2011 selon d’autres sources.
Ce que Pékin redoute par devant tout : une véritable explosion de la dette américaine, laquelle aurait pour conséquence un affaiblissement accru du dollar entraînant de facto une dévalorisation des bons du Trésor détenus par la Chine. En affichant une perspective négative en juillet 2011, la Standard and Poor’s semble ainsi alerter la Chine sur l’incapacité des politiques américains à endiguer la situation, contexte de nature à impacter grandement la valeur des investissements chinois en dollars. Pourtant, malgré certaines déclarations contre l’hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor.
Ainsi, la crise a rendu de facto l’économie américaine encore plus dépendante de la Chine des Etats Unis et la Chine plus dépendante des USA car toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est ce que cette situation pourra continuer à l’avenir ? Tout dépendra de l‘attitude de la Chine, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant : les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis ? Qu’en sera t-il si la dépréciation du dollar devait continuer dans le temps et l’achat récent des droits de tirages spéciaux (DTS) émis par le FMI par la Chine mais également par l’Inde, n’inaugure t –elle pas un changement de la politique monétaire et une refonte dus système monétaire international?

3. Le gouvernement algérien en spectateur ?
Il est étonnant que les responsables algériens l’Algérie dont le déficit budgétaire uniquement pour l‘année 2011 dépasse 62 milliards de dollars, l’économie algérienne étant mono exportatrice dont le prix des hydrocarbures est dépendant de l’extérieur, rappelons les effets de la crise de 1986 avec les onde de chocs en 1994 (cessation paiement), la chute de près de moitié (45%) des recettes en devises entre 2008/2009 et dont la majorité des réserves de change du pays sont placées à l’étranger, n’accordent pas une attention à ce processus stratégique des turbulences de l’économie mondiale.
Comme toujours et faute de prévisions et de gouvernance et ce dans presque tous les domaines, navigant à vue, l’on espère que l’orage passera et la télévision algérienne toujours est absente de véritables débats, qui pourtant engagent le pays et la sécurité nationale. Ces débats ouverts doivent poser l’opérationnalité et non des discours creux, d’une transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures fondée sur l’innovation continue dans un cadre concurrentiel mondial, supposant de briser les liens entre la logique rentière et la logique de la sphère informelle réhabilitant le savoir et l’entreprise donc de profonds réaménagements du pouvoir politique.
Or, la crise de l’endettement des Etats que l’Algérie éponge artificiellement par les recettes des hydrocarbures sans s’attaquer à l’essence du mal, a un impact sur l’économie algérienne car toute contraction de l’économie mondiale signifierait moins d’exportations d’hydrocarbures comme en 2008/2009 où les recettes ont chuté de 45%. Il y a lieu d’être attentif au fait et que 98% de nos exportations sont libellés en dollars et 60% de nos importations en euros.
Par ailleurs, selon le Ministre algérien des finances 80% des 157 milliards de dollars sont déposés à l’étranger en bons de trésor dont 45% aux USA, 45% en euros , le reste ne yen et livre sterling et toute dépréciation combinée à l’inflation mondiale donnerait un rendement négatif. Aussi je suis sceptique pour les 80% des réserves de change algérien placées à l’étranger dont 45% en bons de trésor américain et 45% en euros quant aux déclarations du gouverneur de la Banque d’Algérie, lequel affirme que le rendement de ces réserves est de l’ordre de plus de 4%, ramenant presque 5 milliards de dollars d’intérêts par an.
Avec le taux d’inflation et le faible taux d’intérêt de la FED mais également de la banque centrale européenne le rendement est bien en deçà. La rente des hydrocarbures n’étant pas éternelle et de surcroit propriété de tout le peuple algérien d’où l’importance d’un débat démocratique sur sa gestion ainsi que celle de l’utilisation des réserves de change.
(Algerie-Focus.com)

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