jeudi 9 février 2012

Les confidences du président algérien : Bouteflika veut quitter le pouvoir avant 2014


Usé par le pouvoir, affaiblit par la maladie, peut-être davantage soucieux de rentrer dans l'Histoire, Bouteflika voudrait-il passer la main avant la fin de son troisième mandat prévue en 2014? Le président algérien a évoqué devant des cadres de l’Etat, en janvier 2012, la perspective de son départ au terme d’une élection présidentielle anticipée. Celle-ci interviendrait après les élections législatives de mai prochain et après la révision de la constitution qui suivra dans la foulée.


Mercredi 4 janvier 2012, siège de la présidence. Bouteflika a convoqué dans son bureau Abdelaziz Belkhadem, SG du FLN (Front de libération nationale) ainsi que le président du Sénat, Abdelkader Bensalah.
Au cours de ce conclave restreint qui a duré une bonne heure, réunion qui sera élargie plus tard à d’autres personnalités de l’Etat notamment le ministre de l'Intérieur, le Premier ministre et le patron des services de renseignements, le président a évoqué ouvertement son souhait de quitter la présidence avant 2014, année au terme de laquelle s’achèvera son troisième mandat.
Départ anticipé
A ses deux convives, Bouteflika a expliqué que son éventuel départ interviendrait une fois son processus de réformes politiques parachevé.
A savoir, la mise en place d’une nouvelle assemblée nationale en mai 2012, puis la tenue d’un nouveau référendum portant sur la révision de la loi fondamentale déjà amendée en novembre 2008 pour lui permettre de briguer un troisième mandat.
Cet agenda remplit, le chef de l’Etat pourrait alors organiser sa succession à travers une présidentielle anticipée.
C’est que dans le sérail algérien, une retraite anticipée du président Bouteflika, qui fêta ses 75 ans en mars prochain, ne relève guère de la spéculation.
Le président compte partir
Un ministre de haut rang confessait récemment à un responsable du FLN le désir du chef de l’Etat de passer la main avant 2014.
« Le président compte partir après les législatives, une fois qu’il aura achevé le train de réformes qu’il a initié depuis février 2011...», expliquait ce ministre lors d'une rencontre qui s'est tenue dans une villa sur les hauteurs d'Alger.
Elu en avril 1999, réélu en 2004, puis en 2009, Abdelaziz Bouteflika est aujourd’hui de moins en moins visible bien qu’il détienne encore toutes les clés du pouvoir, sinon une bonne partie.
Dans certains cercles politiques d’Alger, on évoque avec insistance la fatigue du président, sa maladie, sa lassitude, ses difficultés à accomplir ses tâches...
Tout cela est sans doute vrai bien qu'il faille préciser que cette usure du pouvoir ne date pas d'aujourd'hui.
Bouteflika ne voyage presque plus à l’étranger, les Conseils des ministres sont de plus en plus espacés, ses sorties sur le terrain sont rares et quand elles sont programmées, elles sont minutieusement organisées de telle sorte que l’agenda du chef de l’Etat soit allégé au maximum.
Bouteflika effacé
Bref, Bouteflika est davantage un président à temps partiel qu’un chef d’Etat à plein temps.
Et c’est d’autant plus vrai que celui qu’on qualifiait naguère de président parleur ne s’adresse presque plus à son peuple.
Sinon par messagers interposés ou lors de discours lus d’une voix monocorde et dont la durée n’excède pas 10 minutes.
Bouteflika tiendrait-il ce rythme jusqu’au printemps 2014 date à laquelle devra se tenir la prochaine présidentielle ?
Pourrait-il tenir deux ans de plus à ce rythme alors que l’Algérie est assise sur une poudrière ?
La gestion des affaires du pays pourrait-elle s'accommoder de ce rythme présidentiel calé en mode ralenti alors que le chef de l'Etat concentre tous les pouvoirs de décisions entre ses mains?
D’où sans doute les confidences distillées à ses proches sur son éventuel départ anticipé. Et ces confidences rapportées par quelques uns de ces ministres...
Succession organisée?
Si cette hypothèse ne relève plus d’une vue de l’esprit, Bouteflika n’entend pas moins peser de tout son poids dans la course à sa succession.
« Il veut rester maitre du jeu, maitre de son calendrier, affirme un ancien ministre qui a longtemps travaillé avec le chef de l’Etat. Dans la perspective d’une retraite avant l’heure, Bouteflika ferait tout pour choisir le candidat qui lui succéderait, ou à tout le moins, influer sur le choix de celui-ci. » Lequel ?
Said Bouteflika en orbite géostationnaire
Deux ans plutôt, Saïd Bouteflika, conseiller à la présidence, a été mis en orbite géostationnaire dans l’objectif de succéder à son frère.
Seulement voilà, les révoltes dans les pays arabes qui ont mené à la chute de Moubarak lequel préparait l’ascension de son fils Gamal, au renversement du régime de Ben Ali et de celui de Kadhafi où la succession devait être assurée par son fils Seïf El Islam, ces révoltes donc ont fait tourner les tables en Algérie.
Certes Saïd Bouteflika, cet ancien universitaire aussi puissant que taiseux, ne s’est pas exprimé publiquement sur ce sujet, certes encore se défend-il d’exercer autant d’influence qu’on lui prête, de nourrir un destin national, mais sa candidature à la succession de son frère n’a jamais cessé de nourrir la chronique au sein du sérail.
L’option Saïd Bouteflika a-t-elle vécue aujourd’hui ?
Là encore, rien n’est moins sûr
Un ancien collaborateur de Bouteflika tempère : pour l’heure, dit-il, la question n’est pas tant de savoir qui succéderait au chef de l’Etat en 2014 ou bien avant, mais plutôt de croire à ses intentions de quitter le pouvoir avant que ne s’achève son troisième mandat.
« Bouteflika est versatile, roublard, calculateur, manipulateur et fin stratège, explique cet ancien collaborateur. Il pourrait bien annoncer son départ cette année autant qu’il pourrait terminer son mandat en 2014. »
Même si aujourd’hui Bouteflika a compris qu’il gagnerait davantage à entrer l’Histoire en organisant son départ qu’à se maintenir au pouvoir.


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