RFI : Depuis le lancement de l’enquête sur la Sonatrach (Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation, et la commercialisation des hydrocarbures), des perquisitions ont été menées chez plusieurs protagonistes de l’affaire. Le ministre de la Justice parle lui d’« un véritable réseau de corruption international ». Est-ce un signe que ce dossier avance ?
Hocine Malti : Au contraire, c’est un peu pour calmer les attentes de certains que le ministre a fait cette déclaration.
Est-ce que la justice algérienne a toute liberté, selon vous, pour mener cette enquête?
Je doute parce que les protagonistes, les personnes en cause sont très haut placées et je ne pense pas que l’on ira jusqu’à les inquiéter.
Qui sont ces protagonistes, pour que l’on comprenne bien ?
En réalité, le scandale a été rendu public en janvier 2010. A ce moment-là, c’est pratiquement toute la haute hiérarchie de la Sonatrach qui a été décapitée. Le PDG a été limogé et mis sous contrôle judiciaire. Deux vice-présidents ont été arrêtés et sont en prison.
C'est à ce moment-là que l'on a parlé d’affaires relativement modestes. Depuis, les Italiens se sont également intéressés à l'affaire de leur côté, au travers du dossier Saipem, une société qui s’est installée en Algérie en 2005 et qui, en l’espace de quatre ou cinq ans, a obtenu une quinzaine de milliards de dollars de contrats.
C’est une filiale du groupe italien ENI ?
Exactement. Tout le monde a compris qu’il devait y avoir des pots-de-vin derrière. Ce n’est pas seulement là que les Algériens se sont un peu réveillés. C’est là qu’ils ont annoncé qu’il y avait deux cent millions d'euros de pots-de-vin qui ont été versés à des Algériens. Simplement, ils ont cité le nom de Chakib Khelil qui était visiblement celui qui orchestrait tout cela. Et puis il y a surtout au-dessus de lui, ce que j’appelle « le parrain », celui qui lui garantit une certaine immunité et qui profite bien entendu également de la situation.
Le parrain, c’est celui qui est au sommet de l’Etat ?
Oui, très haut, au sommet de l’Etat.
Est-ce que cette affaire Sonatrach, qui prend de l’ampleur, ternit la fin de règne d’Abdelaziz Bouteflika, selon vous ?
Cette affaire est en réalité un règlement de comptes qui a lieu à l’intérieur du pouvoir. Ce n’est pas une vraie opération « mains propres ». On ne cherche pas réellement à lutter contre la corruption, ni à dévoiler les véritables corrupteurs, et encore moins à sévir et à prendre des mesures contre eux.
Toute l’affaire a démarré parce qu'avec la fin du mandat de Bouteflika, le troisième mandat, il y eu des velléités d’un certain nombre de personnes, dont son frère qui se voyait déjà en successeur.
Dès 2009, dès que le grand frère a obtenu son troisième mandat, le cadet a commencé un peu à se préparer. Comme c’est lui qui contrôlait la Sonatrach, il s’est mis à utiliser tous les moyens humains et matériels de celle-ci pour préparer sa candidature. Or au sein du pouvoir algérien, vous avez deux clans dominants : le clan du président et le clan des services secrets, du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui représente un peu toute l’armée. Le clan du DRS ne voulait pas que le jeune Saïd Bouteflika prenne la succession de son frère.
Dans ces cas-là, la manière dont on agit dans ces milieux, c'est d'user des dossiers compromettants sur X ou Y que l’on garde sous la main et que l’on sort en temps voulu. C’est à ce moment-là qu’ils ont sorti son dossier.
Celui qui était visé, c’était Saïd Bouteflika ?
Exactement. Et la première mesure qu’ils ont prise a rejailli automatiquement sur le grand frère, sur le président de la République lui-même. Ce fut de décapiter toute la Sonatrach, c’est-à-dire tous les hommes de main que contrôlaient le camp du président.
Seconde étape : trois mois plus tard, on a limogé le ministre de l’Energie lui-même. Et par conséquent, le DRS a pris le contrôle de la Sonatrach. Le jeune frère a perdu ses moyens financiers et humains.
Pourquoi cela a rejailli à nouveau deux ans plus tard ? D’abord parce que les Italiens ont dévoilé l'affaire et parce que depuis quelques temps, on sent que le jeune frère a tendance à vouloir se mettre en avant. On continue dans la même voie.
Par Anthony Lattier
http://www.rfi.fr/afrique/20130706-hocine-malti-affaire-sonatrach-plus-haut-niveau-etat-algerien-implique
Hocine Malti : Au contraire, c’est un peu pour calmer les attentes de certains que le ministre a fait cette déclaration.
Est-ce que la justice algérienne a toute liberté, selon vous, pour mener cette enquête?
Je doute parce que les protagonistes, les personnes en cause sont très haut placées et je ne pense pas que l’on ira jusqu’à les inquiéter.
Qui sont ces protagonistes, pour que l’on comprenne bien ?
En réalité, le scandale a été rendu public en janvier 2010. A ce moment-là, c’est pratiquement toute la haute hiérarchie de la Sonatrach qui a été décapitée. Le PDG a été limogé et mis sous contrôle judiciaire. Deux vice-présidents ont été arrêtés et sont en prison.
C'est à ce moment-là que l'on a parlé d’affaires relativement modestes. Depuis, les Italiens se sont également intéressés à l'affaire de leur côté, au travers du dossier Saipem, une société qui s’est installée en Algérie en 2005 et qui, en l’espace de quatre ou cinq ans, a obtenu une quinzaine de milliards de dollars de contrats.
C’est une filiale du groupe italien ENI ?
Exactement. Tout le monde a compris qu’il devait y avoir des pots-de-vin derrière. Ce n’est pas seulement là que les Algériens se sont un peu réveillés. C’est là qu’ils ont annoncé qu’il y avait deux cent millions d'euros de pots-de-vin qui ont été versés à des Algériens. Simplement, ils ont cité le nom de Chakib Khelil qui était visiblement celui qui orchestrait tout cela. Et puis il y a surtout au-dessus de lui, ce que j’appelle « le parrain », celui qui lui garantit une certaine immunité et qui profite bien entendu également de la situation.
Le parrain, c’est celui qui est au sommet de l’Etat ?
Oui, très haut, au sommet de l’Etat.
Est-ce que cette affaire Sonatrach, qui prend de l’ampleur, ternit la fin de règne d’Abdelaziz Bouteflika, selon vous ?
Cette affaire est en réalité un règlement de comptes qui a lieu à l’intérieur du pouvoir. Ce n’est pas une vraie opération « mains propres ». On ne cherche pas réellement à lutter contre la corruption, ni à dévoiler les véritables corrupteurs, et encore moins à sévir et à prendre des mesures contre eux.
Toute l’affaire a démarré parce qu'avec la fin du mandat de Bouteflika, le troisième mandat, il y eu des velléités d’un certain nombre de personnes, dont son frère qui se voyait déjà en successeur.
Dès 2009, dès que le grand frère a obtenu son troisième mandat, le cadet a commencé un peu à se préparer. Comme c’est lui qui contrôlait la Sonatrach, il s’est mis à utiliser tous les moyens humains et matériels de celle-ci pour préparer sa candidature. Or au sein du pouvoir algérien, vous avez deux clans dominants : le clan du président et le clan des services secrets, du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui représente un peu toute l’armée. Le clan du DRS ne voulait pas que le jeune Saïd Bouteflika prenne la succession de son frère.
Dans ces cas-là, la manière dont on agit dans ces milieux, c'est d'user des dossiers compromettants sur X ou Y que l’on garde sous la main et que l’on sort en temps voulu. C’est à ce moment-là qu’ils ont sorti son dossier.
Celui qui était visé, c’était Saïd Bouteflika ?
Exactement. Et la première mesure qu’ils ont prise a rejailli automatiquement sur le grand frère, sur le président de la République lui-même. Ce fut de décapiter toute la Sonatrach, c’est-à-dire tous les hommes de main que contrôlaient le camp du président.
Seconde étape : trois mois plus tard, on a limogé le ministre de l’Energie lui-même. Et par conséquent, le DRS a pris le contrôle de la Sonatrach. Le jeune frère a perdu ses moyens financiers et humains.
Pourquoi cela a rejailli à nouveau deux ans plus tard ? D’abord parce que les Italiens ont dévoilé l'affaire et parce que depuis quelques temps, on sent que le jeune frère a tendance à vouloir se mettre en avant. On continue dans la même voie.
Par Anthony Lattier
http://www.rfi.fr/afrique/20130706-hocine-malti-affaire-sonatrach-plus-haut-niveau-etat-algerien-implique
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