Djilali Hadjadj |
Chakib Khelil a dit vendredi qu’il n’y a aucune preuve sur son implication dans les scandales de Sonatrach I et II. Qu’en est-il réellement ?
Des éléments existent et sont entre les mains de la justice algérienne, de la justice suisse et de la justice italienne. Il s’agit de l’historique des mouvements sur ses comptes bancaires en Suisse, ceux de son épouse et ceux de ses deux enfants au cours de ces dix dernières années. La justice algérienne et la justice italienne avaient émis, presque en même temps, des commissions rogatoires dans le cadre de Sonatrach I et II pour la première et dans le cadre de Saïpem-Eni pour la deuxième. La réaction de Chakib Khelil suscite des interrogations. Comment a-t-il eu vent des commissions rogatoires algériennes et italiennes ? Pourquoi a-t-il mandaté des avocats pour s’opposer à l’exécution de c
es commissions ? Il a d’ailleurs été débouté par la justice Suisse. Est-ce que Chakib Khelil s’était conformé à la loi de 2006 (de prévention et de lutte contre la corruption) en ce qui concerne la déclaration de patrimoine ? Quand on est ministre ou même haut fonctionnaire de la présidence de la République, on doit déclarer ses comptes bancaires, notamment ceux qui existent à l’étranger, à la Cour suprême, et ce conformément à la loi de 2006, au début et à la fin de fonction.
Les banques n’informent-elles pas automatiquement leurs clients avant de transmettre des informations à la justice ?
Entre la Suisse et l’Italie, il y a une convention d’échanges automatiques d’informations sur les mouvements bancaires qui ne contraignent pas les banques à informer leurs clients. À travers des commissions rogatoires, la justice italienne et la justice suisse ont découvert des transferts à partir de comptes d’une société offshore de Farid Bédjaoui basée à Hong Kong vers les comptes de Chakib Khelil et de ses proches, en Suisse. Par ailleurs, ils ont également découvert des transferts effectués à partir du même compte de Farid Bédjaoui vers les comptes en Europe de Mohamed Bédjaoui, l’ancien président du Conseil constitutionnel. Nous comptons dans les prochains jours revenir sur l’affaire Mohamed Bedjaoui, Farid Bejaoui et Pierre Falcone à travers trois dossiers : l’autoroute Est-Ouest, l’entreprise canadienne SNC Lavalin et Saïpem-Sonatrach.
Chakib Khelil a assuré que ses biens étaient le fruit de son travail à la Banque mondiale et en Algérie…
Des transferts ont été effectués à partir des comptes offshores de Farid Béjaoui vers les comptes de Chakib Khelil et de sa famille. Des 200 millions d’euros de commissions, une partie est revenue aussi sous forme de rétro-commissions versées sur les comptes de l’ex-PDG de l’ENI, du directeur engineering de Saïpem en Italie et de l’ancien directeur de Saïmpem Algérie.
Évidemment, il y a d’autres destinataires algériens qui n’ont pas été identifiés. À vrai dire, du côté des juges de Milan, la partie algérienne ne les intéresse pas beaucoup. S’il n’y avait pas de rétro-commissions au bénéfice de ressortissants italiens, le dossier ne les aurait pas du tout intéressé. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu des précédents. Leurs enquêtes s’arrêtent aux frontières des pays comme l’Algérie. Les juges de Milan ont émis des commissions rogatoires concernant Farid Bédjaoui et Chakib Khelil, mais ils n’ont jamais obtenu de réponse de leurs homologues algériens.
Chakib Khelil n’a reçu aucune convocation de la justice. Ce qu’il n’a pas manqué de rappeler hier. Comment expliquez-vous cela ?
Les Suisses ont fourni des informations sur ses comptes bancaires dans leur pays. Si Chakib Khelil avait effectué un séjour en Suisse au moment des commissions rogatoires, il aurait été arrêté. En Italie, je pense que c’est une question d’ordre politique, ce que je trouve anormal. Dans ce pays, il est cité au moins une vingtaine de fois dans l’arrêt de renvoi qui renferme un élément très défavorable pour Chakib Khelil. Ce dernier a présenté Farid Bédjaoui à ces partenaires italiens comme étant son homme de confiance. À travers ses avocats, Farid Béjaoui a confirmé ces rencontres dans des hôtels de plusieurs pays européens. Les PDG de Saipem et de l’Eni ont également confirmé la présence de Farid Béjaoui et son statut. Ensuite, on peut se demander pourquoi le ministre rencontre seul ses partenaires dans des hôtels en l’absence du premier concerné, le PDG de Sonatrach. Pourquoi les rencontrer en Espagne ou en Autriche ? Pourquoi les communications entre Farid Bédjaoui et ses interlocuteurs italiens ont été effectuées avec des téléphones mobiles de Dubaï.
Pourquoi la justice algérienne ne l’a-t-elle pas convoqué ?
Au plan judiciaire et juridique, l’affaire Chakib Khelil est toujours pendante. Dans des déclarations précédentes, l’ancien ministre de l’Énergie avait confirmé qu’il avait reçu une convocation et qu’il comptait rentrer au pays pour répondre. Donc il se contredit. Lors de l’annonce du lancement d’un mandat d’arrêt international, le procureur général d’Alger a évoqué deux éléments pour le justifier : le fait que Chakib Khelil n’ait pas répondu à plusieurs convocations et la réponse écrite de la DGSN sur le fait que l’ancien ministre avait quitté le pays.
Est-ce que Chakib Khelil pouvait ne pas être au courant des malversations dans l’attribution de contrats à Sonatrach ?
C’est un mensonge ! Durant le procès de Sonatrach I, des inculpés faisaient état d’informations transmises de manière régulière au ministre de tutelle. Pour ce qui est des officiers du DRS, il est difficile de considérer qu’ils le soupçonnaient de corruption et qu’ils lui donnent l’information en même temps. Je rappelle que les rencontres se tenaient dans des hôtels et dans des pays différents à la demande de Farid Bédjaoui et du ministre de l’Énergie parce que ce dernier considérait que les services de renseignement algériens étaient en train d’enquêter sur lui.<
TSA
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