Le Sénat brésilien a ouvert mercredi une séance historique pour, sauf surprise, écarter du pouvoir la présidente Dilma Rousseff et la soumettre à un procès en destitution pour maquillage des comptes publics.
Le vote devrait survenir tard dans la nuit, l'opposition affirmant avoir la majorité simple (41 voix) requise pour suspendre pendant six mois la première femme présidente du Brésil, dans l'attente de son jugement.
«Nous avons 20 voix, eux 50 environ (...). Il n'y a pas de miracle», a reconnu avant le vote le sénateur du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir Paulo Paim.
«Nous sommes convaincus que nous pouvons écarter du pouvoir la présidente», a affirmé le sénateur Ricardo Ferraz (PSDB, opposition).
Le Tribunal suprême fédéral (STF) du Brésil a rejeté mercredi le recours intenté par le gouvernement contre la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff, sur laquelle le Sénat devait se prononcer en fin de journée.
Le juge du STF Teori Zavascki «a rejeté la demande de suspension du processus» présentée mardi soir par la défense de la dirigeante de gauche, a déclaré à l'AFP un porte-parole de la haute juridiction. Ce recours constituait vraisemblablement la dernière carte de Dilma Roussef pour éviter un procès en destitution.
La présidente, ex-guérillera torturée et emprisonnée sous la dictature militaire, a présenté mardi soir un recours de dernière heure devant la haute juridiction, lui demandant d'annuler ce qu'elle dénonce comme un «coup d'État» institutionnel «sans armes ni baïonnettes».
Mais la presse brésilienne table déjà sur son départ : «Coup de grâce», titrait le populaire O Dia de Rio tandis que selon Estado de S. Paulo, le vice-président Michel Temer qui la remplacerait «prépare son discours».
Depuis Rome, le pape François a dit espérer «que le pays, en ces moments difficiles, avance sur le sentier de l'harmonie et de la paix».
«La procédure d'impeachment qui est enracinée dans notre histoire est longue et traumatisante, (et elle) ne produit pas de résultats immédiats», a prévenu le président du Sénat Renan Calheiros.
Un mur métallique a été monté devant le Parlement à Brasilia pour séparer partisans et adversaires du gouvernement et éviter toute violence pendant le vote.
«Crime de responsabilité»
Mme Rousseff devrait ainsi être suspendue pendant un délai maximum de 180 jours en attendant le jugement définitif des sénateurs, qui pourrait intervenir en septembre.
Elle devrait être remplacée d'ici vendredi par son ancien allié devenu rival, le vice-président Michel Temer, 75 ans, dirigeant du grand parti centriste PMDB qui a claqué la porte de sa coalition fin mars.
En cas de destitution définitive de Mme Rousseff, il assumerait la présidence jusqu'aux prochaines élections en 2018.
L'opposition accuse la présidente d'avoir commis un «crime de responsabilité», passible de destitution selon la Constitution, en maquillant sciemment les comptes publics pour dissimuler l'ampleur des déficits en 2014, année de sa réélection disputée, et en 2015.
Elle lui reproche notamment d'avoir fait supporter aux banques publiques des dizaines de milliards de dépenses incombant au gouvernement.
Mme Rousseff affirme que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces tours de passe-passe budgétaires sans n'avoir jamais été inquiétés et dénonce un prétexte pour l'évincer.
«Le dernier jour de mon mandat est le 31 décembre 2018», a-t-elle martelé mardi soir, promettant de lutter jusqu'au bout de «toutes (ses) forces, par tous les moyens légaux».
Le vice-président Temer et ses alliés «n'arrivent pas à se faire élire à la présidence par le vote populaire. Ils utilisent le processus de destitution pour procéder à une élection indirecte dont le peuple est exclu», a-t-elle dénoncé.
Cette féroce bataille politique atteint son apogée à moins de trois mois de l'ouverture des Jeux olympiques de Rio, décrochés en 2007 par l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, mentor politique de Mme Rousseff, en plein miracle socio-économique brésilien.
La septième économie mondiale est engluée aujourd'hui dans sa pire récession économique depuis des décennies : PIB en recul de 3,8 % en 2015 et probablement autant en 2016, envolée de la dette, des déficits, du chômage, inflation proche des 10 %.
DAMIAN WROCLAVSKY
Agence France-Presse
BRASILIA
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