samedi 3 septembre 2011

Wikileaks : Quand Bouteflika dégomme et nomme ses chefs de gouvernement par téléphone


Drôles de mœurs. Un chef du gouvernement viré par téléphone, son remplaçant nommé par téléphone. Alger, lundi 23 juin 2008. La présidence de la République annonce dans un communiqué laconique la nomination d’Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement en remplacement d’Abdelaziz Belkadem. Aucune explication, aucune image ne sont venues accompagner cette double décision aussi inattendue que surprenante.

Un câble diplomatique de l’ambassade US à Alger, mis en ligne vendredi 02 septembre par le site Wikileaks, lève un coin du voile sur la manière avec laquelle Bouteflika a procédé pour dézinguer Belkhadem et rappeler Ouyahia.

« Une source fiable à la présidence a confirmé le 18 août que Bouteflika a nformé Ouyahia de sa nomination par téléphone, alors que la ‘pratique standard’ pour les anciens premiers ministres de Bouteflika - Ahmed Benbitour, Ali Benflis et Abdelaziz Belkhadem – est que les deux hommes se réunissent pour ‘au moins une demi journée’ avant l'annonce officielle de la nommination », écrit un diplomate américain dans un mémo daté du 21 août 2008.
Ouyahia nommé par téléphone
Le contenu de ce câble vient ainsi confirmer ce que tout le monde savait à l’époque sans l’écrire : ce lundi 23 juin, le chef de l’Etat a dérogé à la tradition républicaine, à tout le moins celle qu’il a instaurée depuis son arrivée au pouvoir en avril 1999, de recevoir ses chefs de gouvernement avant de procéder à leur nomination ou leur remplacement.
Ce lundi donc, Bouteflika n’a pas reçu Abdelaziz Belkadem, nommé à la tête de l’exécutif le 24 mai 2006 à la place d’Ahmed Ouyahia lequel fut viré le jour même sans aucune explication officielle. Le président n’a pas non plus reçu ce dernier pour un entretien préalable avant de le nommer en remplacement de Belkadhem.
Une rumeur laisse même croire que c’est le chef du protocole de la présidence, et non le président lui-même, qui s’est acquitté de cette tâche auprès de Belkhadem et d’Ouyahia.
Bouteflika prenait les formes
Pourtant, depuis son élection en 1999, le chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika prenait les formes avec ses futurs ou futurs ex- collaborateurs.
Ahmed Benbitour, nommé chef du gouvernement jeudi 24 décembre 1999, est reçu la veille par le président pendant 5 heures à El Mouradia.
Bouteflika a longuement insisté ce jeudi-là, et au moins à deux reprises auparavant, pour que Benbitour accepte le poste. Huit mois plus tard, ce dernier dépose sa démission suite à de graves divergences avec le président sur le mode de gouvernance du pays.
Samedi 26 août 2000, ce dernier reçoit Ahmed Benbitour pour un entretien de formalité.
« Tu prends le gouvernement….»
En fin de matinée, le président appelle dans son bureau son chef de cabinet, Ali Benflis, pour lui annoncer la démission de Benbitour. « Tu prends le gouvernement…. Je n’ai personne d’autre que toi pour ce poste. Tu dois l’accepter…», déclare Bouteflika à Benflis. Qui est nommé séance tenante.
La rumeur a couru que le président avait proposé ce poste à Abdelaziz Belkhadem avant d’y renoncer devant l’hostilité des militaires à voir cet islamo-conservateur à la tête du gouvernement.
Benflis limogé
La cohabitation entre Bouteflika et Benflis dure moins de trois ans. Le 5 mai 2003, les deux hommes se séparent avec fracas. Le président n’ayant pas réussi à obtenir une démission en bonne et due forme de la part du chef du gouvernement, il a dû se résoudre à le limoger. L’explication les deux hommes ce lundi 5 mai dans le bureau de la présidence est électrique.
Courtois, mais cinglant, Benflis reproche, entre autres, au chef de l’Etat d’avoir laissé faire ses proches et ses courtisans qui lui avaient savamment savonné la planche.
Benflis dégommé, Ahmed Ouyahia est nommé dans la foulée non sans avoir été reçu par le président.
Pourquoi alors ce dernier n’a pas pris la peine ce lundi 23 juin 2008 de recevoir Belkhadem et Ouyahia, se contentant de les informer par téléphone ?
Mépris ou désinvolture ? Agenda chargé ou coup de mou dans l’état de santé du président ?
L’agenda du président est allégé ce lundi 23 juin 2008. Il a reçu l’ambassadeur du Soudan pour une visite d’adieu, il est donc bien portant. Alors mépris ou désinvolture...
Le mémo américain n’apporte pas davantage de détails sur ce remaniement à la tête de l’exécutif et les quelques grilles de lecture fournies pour expliquer le limogeage de Belkhadem et le retour d’Ouyahia, reposent sur les explications, les conjectures et autres analyses de 2 consultants, de 3 journalistes, d’une universitaire et d’un membre du RND, le parti d’Ahmed Ouyahia, reçus à l’ambassade US à Alger. Et non pas sur des informations obtenues par l'ambassade auprès d'autres sources.
Un limogeage et une nomination annoncés par téléphone, drôles de mœurs.

Note de la rédaction : Pour protéger l'identité des personnes mentionnées dans le câble contre d'éventuelles représailles, nous avons décidé de ne pas les nommer et de ne pas publier l'intégralité du document.


 DNA - Dernières nouvelles d'Algérie 

Aucun commentaire: