mardi 14 février 2012

Algérie--Lamari-Bouteflika : La moustache du général et l’avion du président


Opposants puis copains. Mohamed Lamari et Abdelaziz Bouteflika se sont affrontés à distance pendant presque 5 ans avant de se réconcilier sur le tard. Si le général s’est montré hostile à la reconduction du président en avril 2004, il ne soutiendra pas moins Bouteflika dans sa quête d’un troisième mandat en février 2009.

Entre 1999 et 2004, époque où ils ont travaillé ensemble, les deux hommes ne s’appréciaient guère. Certes entretenaient-ils officiellement des rapports courtois, mais dans l’antichambre du pouvoir, chacun qualifiait l’autre de tous les noms d’oiseaux possibles.

Quand le premier jurait en 2004 que « si Bouteflika passe, je me raserai la moustache » ou « si Bouteflika passe, je quitterai mon poste », le second n’hésitait pas à qualifier devant des convives le chef d’état-major de « gros tas de soupe...»
Sur l’arrêt du processus électoral, sur la mission de l’armée, sur l’intégrisme islamiste autant que sur la présidentielle de 2004, Mohamed Lamari a souvent pris ses distances avec le président quand il ne s’est pas opposé à lui par presse interposée.
Parfois, les yeux dans les yeux comme lors de cette réunion qui s’est tenue au siège de la présidence.
Furieux que le chef de l’Etat reproche à Fodil Chérif, chef de la première région militaire, un intime de Lamari, de faire de la politique, le général renverse la paperasse sur le bureau avant de quitter la salle furax.
Lamari-Bouteflika, une relation qui aura été conflictuelle avant de devenir amicale, sinon avenante.
Septembre 1999. Le président Liamine Zeroual démissionne de ses fonctions et annonce une présidentielle anticipée. Pour lui succéder, Larbi Belkheir général-major, entreprend de vendre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à ses pairs de l’armée.
Khaled Nezzar et Mohamed Lamari renâclent, pas Mohamed Mediene, le patron du DRS. Lorsque celui-ci rencontre Bouteflika dans une villa d’Alger dans le courant de ce mois septembre, il finira par donner son onction à l’ancien ministre des Affaires étrangères.
Du coup, tout le système se mettra en fil indienne derrière Bouteflika, le « candidat du consensus ».
Le premier mandat du président sera placé sous le signe de la réconciliation nationale. Ses rapports avec l’armée ? Ils seront teintés de méfiance.
Bouteflika peut flatter l’institution militaire, louer son rôle dans la lutte antiterroriste tout en essayant de s’affranchir de la tutelle de ces généraux qui l’ont installé au pouvoir. Hormis des petites attaques de part et d’autre par médias interposés, les relations entre le président  et l’armée ne connaitront pas un substantiel bouleversement.
Ce modus vivendi sera ébréché au milieu de l’année 2003. Abdelaziz Bouteflika, part en campagne pour décrocher un second mandat.
En face de lui, Ali Benflis, son ancien chef du gouvernement qui a décidé lui aussi de briguer la magistrature suprême. Entre les deux, la bataille électorale est à couteaux tirés, âpre, sanglante.
Se pose alors le rôle de l’armée ? Va-t-elle un fois de plus adouber Bouteflika comme en 1999 ? Va-t-elle garantir une élection libre et transparente ?
Dans un entretien publié le 15 janvier 2003 par l’hebdomadaire français Le Point, Mohamed Lamari affiche la position de l’armée. « Ce n'est pas à l'ANP de faire les présidents, dit-il au journaliste Jean Guinsel. L'année prochaine, l'institution militaire reconnaîtra le président élu, même s'il est issu du courant islamiste. »
L’armée arbitre neutre ? Pas pour Mohamed Lamari qui s’emploiera entre janvier 2003 et avril 2004 à afficher son hostilité à un second mandat de Bouteflika. Bien sûr publiquement, le général se tiendra à la neutralité. Il ne dira rien, il n’entreprendra rien, qui puisse remettre en cause cette supposée neutralité de l’institution militaire, mais dans l’antichambre du pouvoir, il travaillera contre la réélection de Bouteflika.
S’'il ne suscite pas la candidature de Benflis, loin de là, il l'encouragera néanmoins en catimini. D'aucuns ont entendu Lamari dire : « Si Bouteflika passe, je me raserai la moustache » ou « Si Bouteflika passe, je quitte mon poste.
Au cours de 2003 et 2004, le chef d’Etat major rencontrera alors discrètement et à maintes reprises Ali Benflis et Said Sadi, président du RCD, également candidat. Aux deux, il tiendra ce discours qui se résumera en une seule phrase : « Je peux vous assurer que l’armée sera neutre.»
Le résultat est connu : Bouteflika sera élu au premier tour avec une majorité écrasante de 84 %. Entre temps, les services du ministère de l’Intérieur, dirigés par Yazid Zerhouni, auront tout fait pour régler la fraude comme une partition musicale. Khaled Nezzar et Mohamed Médiene, eux, finiront par adouber une fois de plus le président candidat.
La neutralité de l’armée aura vécu.
Dépité, Mohamed Lamari évoquera l'engagement qu'il avait pris : sa démission en cas de victoire de Bouteflika. Au mois d’août 2004, il quittera donc son poste de chef d'état-major de l'armée. Officiellement pour raison de santé.
Retiré des affaires, le général à la retraite garde le silence. S’il vit entre Alger et Biskra, sa région natale, Il voyagera à l’étranger, notamment au Qatar où il a noué des amitiés. Il s’occupera également de sa santé.
Au cours de sa retraite, il trouvera en Bouteflika un précieux soutien, le chef de l’Eta n’hésitant pas maintenir les privilèges dû à son rang et à mettre à la disposition du général l’avion présidentiel pour des déplacements à l’étranger pour des soins.
En cela, Lamari serait reconnaissant jusqu’au point d’affirmer un jour à des hôtes : « Bouteflika fhal (loyal ) ».
Le rabibochage entre le deux hommes se fera officiellement le 12 février 2009 à la coupole du 5 juillet d’Alger.
Assis au premier rang, en costume cravate, Mohamed Lamari écoutera Bouteflika annoncer sa candidature pour un troisième mandat.
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