Limogeage de Toufik : la fin d’une ère
Le
séisme politique de l’année 2015 s’est produit ce dimanche 13 septembre.
Le général de corps d’armée Mohamed Médiene, dit Toufik, a été démis de
ses fonctions de chef du DRS et mis à la retraite par le président Bouteflika. Il est remplacé par le général Bachir Tartag, son ex- numéro deux.
Alors que l’information vient à peine
d’être confirmée, il est encore difficile de mesurer la portée du départ
du général Toufik. Comment en est-on arrivé là ? Comment celui qui
était considéré comme l’homme le plus puissant d’Algérie a-t-il pu finir
ainsi, limogé par un président dont on s’interroge sur les capacités à
diriger le pays ? Début de réponse.
Article 88
Il faut remonter à l’été 2013. Le
président Bouteflika est victime d’une attaque cérébrale et se trouve en
France, au Val-de-Grâce. Alors qu’il est malade et très affaibli,
commencent à s’élever dans la scène publique des voix appelant à
appliquer l’article 88 de la constitution. Ce dernier prévoit de
déclarer l’état d’empêchement lorsque le
président, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans
l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Immédiatement, le clan
présidentiel associe ces voix à une tentative de coup d’État
orchestré par le DRS. Ou tout du moins, le clan présidentiel reproche
au général Toufik de n’avoir rien fait pour calmer ces ardeurs
naissantes.
En juillet 2013, après 80 jours
d’absence, Abdelaziz Bouteflika revient sur le territoire national. Même
très affaibli, le président et son entourage entament à ce moment-là
une vaste opération de déstructuration du DRS, avec l’objectif clair d’affaiblir le général Toufik.
Ses éléments les plus fidèles au sein du
DRS sont mis à la retraite. Certains d’entre eux comme le général
Hassan sont même poursuivis par la justice. Depuis septembre 2013, des
directions stratégiques du DRS, comme la DSI, la DCSA et la DDSE, sont
retirées l’une après l’autre de la zone d’influence du général Toufik
et rattachées à l’État-major de l’armée et à la présidence.
Démystifier Toufik
Dans le même temps, le général Toufik
demande au président Bouteflika de lui accorder le départ du général
Tartag, le patron de la DSI, avec lequel il entretient de mauvaises
relations. Demande acceptée. Un an plus tard, le général Tartag devient
conseiller du président Bouteflika. La décision prise aujourd’hui de
nommer le général Tartag chef du DRS laisse penser, avec du recul,
qu’elle avait déjà été prévue par le clan présidentiel dès le moment où
le général Toufik avait demandé la tête de Tartag. Peut-être même avant.
À la présidence de la République, le général Tartag, fin connaisseur
des services de renseignements, a été un élément précieux dans la
restructuration de la maison DRS.
Réduire le champ d’influence du général
Toufik et préparer sa succession au sein du DRS ne suffisaient cependant
pas. Il fallait aussi démystifier l’aura d’omnipotence entourant le
général Toufik. Dans ce contexte, l’interview d’Amar Saadani accordée à TSA en
février 2014 a joué parfaitement son rôle. Dans cet entretien, le
Secrétaire général du FLN s’attaque frontalement au patron du DRS et
bouleverse l’opinion, habituée à voir le nom de Toufik à peine murmuré
sur la scène publique.
La passivité de Toufik
La terrible réaction du général Toufik
était attendue, mais elle n’eut pas lieu. En ce sens, le rôle du général
Gaïd Salah a été important. Le refus du chef d’État-major d’intervenir
dans « une affaire privée » lorsque le général Toufik a demandé que
Saadani soit poursuivi par le MDN a grandement limité la marge de
manœuvre du chef du DRS, habitué à opérer dans l’ombre.
Bien entendu, quelques jours plus tard
le président a publiquement affirmé son soutien au DRS sans vraiment
désavouer Saadani. Mais la mission était de toute façon accomplie,
l’opinion publique constatait que le général Toufik n’était, après tout,
qu’un simple mortel.
Aujourd’hui, tandis que nous assistons à
la fin d’une ère et au début d’une nouvelle où le pouvoir civil
(soutenu par l’armée) règne sans partage, une interrogation subsiste.
Alors que le clan présidentiel éventrait le DRS de ses prérogatives,
réduisait la zone d’influence et mettait à la retraite les alliés du
général Toufik, la passivité du désormais ex-patron du DRS reste tout à
fait incompréhensible.
Qu’en était-il de « l’option nucléaire »
représentée par les fameux dossiers que le général Toufik était censé
détenir sur tout le monde ? Ce sont ces légendaires dossiers
compromettants qui devaient expliquer l’équilibre des pouvoirs entre le
clan présidentiel et le DRS.
À la lumière des événements, force est
de constater que ces dossiers n’ont peut-être jamais existé. À moins
qu’ils soient bien réels et que Toufik ait décidé de ne pas les
utiliser, pour une raison ou une autre…
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