dimanche 12 juin 2011

Algérie-Maroc – Avis partagés sur la réouverture des frontières



Frontières Algérie-Maroc, les avis partagés.Faut-il rouvrir les frontières terrestres avec le Maroc ? Si pour les officiels algériens, la réponse est non, les Algériens ordinaires eux ne sont pas contre. Quelques avis ici d'Algériens et Marocains qui livrent impressions, souhaits mais aussi préjugés sur un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre depuis déjà 17 ans.
«La réouverture des frontières arrangent les affaires du Maroc. Nous n’avons rien à y gagner», affirme, sans hésiter, l’économiste et universitaire Salah Mouhoubi. Le concept de complémentarité économique, selon lui, ne s’applique pas au Maghreb. «Tous les pays maghrébins exportent des matières premières et importent des équipements. Je ne sais pas de quelle complémentarité, parle-t-on», s’est interrogé l’économiste lors d’une conférence qu’il a donnée pour chanter les vertus des consultations politiques lancées depuis trois semaines par le pouvoir algérien. Se référant à l’histoire récente, Mouhoubi dit se demander «comment normaliser les relations avec un Etat qui considère que Bechar et Tindouf sont des territoires marocains».


Lynda, 25 ans, journaliste native des régions frontalières, Ghazaouet, ne partage pas du tout l’avis de cet universitaire qui, selon elle, épouse «systématiquement» toutes les thèses du gouvernement. «L’orgueil des politiciens doit être placé à un autre niveau», confie-t-elle car, dit-elle,  les divergences entre les dirigeants des Etats vont à contre courant de ce que pensent les peuples. Pour se rendre compte de cette réalité, Lynda suggère de regarder du côté de Porsay (plage algérienne) limitrophe de Saïdia (Maroc). «Les Marocains et les Algériens, séparés par oued Porsay, klaxonnent et se font de signes de la main lorsqu’ils se croisent en guise de solidarité», dit-elle. Et d’ajouter : «Les Marocains nous disent qu’on est des frères et dommage que l’oued nous sépare, qu’on est les bienvenus chez eux». L’affection entre les deux rives de Porsay est réciproque, continue-t-elle «nous autres habitants de la région de Tlemcen, on aime les Marocains. Je ne vois pas pourquoi on ferme la frontière. S’il y a des problèmes politiques qu’ils les règlent politiquement», insiste-t-elle. La journaliste a bien voulu nous révéler son souhait de «connaître un jour la fierté de dire nous sommes Maghrébins».

Nadim, qui se définit comme supporter du l’USMA, (club sportif algérois) a du mal à se forger une opinion. «Je ne sais pas», dit-il en faisant référence aux discussions de vétérans de son quartier qu’il avait entendu dire, à maintes fois, que Hassan II a chassé les Algériens qui habitaient au Maroc et les a dépossédés de leurs biens. Le jeune supporter admet cependant que ce fait est l’œuvre du roi et non pas du peuple marocain. La sympathie de Nadim pour le peuple marocain remonte à la crise algéro-égyptienne, née dans le sillage du match de qualification pour le mondial de l’Afrique du Sud. «Les Marocains nous ont soutenus contre les Egyptiens. Je les ai vus sur Facebook. Ils portaient les tricots de nos joueurs. C’est là que je les ai découverts pour la première fois». Le jeune usmiste qui gagne sa vie en vendant des fruits sur un étalage installé à la rue Tanger, au centre d’Alger, a cependant toujours du mal à digérer les 4 à 0 essuyés récemment par les Verts devant les Lions de l’Atlas, au stade de Marrakech. «Bezef ya khou ! (c’est trop mon frère). Ils nous ont ridiculisés », dit-il avant de signaler l’autre «mérite» du Maroc : «Si Bouteflika ouvre les frontières je parie que les prix de la zettla (cannabis) vont baisser», en souriant. Notre interlocuteur, la trentaine à peine entamée, ne le dit pas pour insinuer autre chose puisqu’il s’assume pleinement comme fumeur «invétéré» de cannabis. «De toute manière, moi j m’en fous de «doula» (gouvernement) et de sa politique. Le jour où ils me prendront en flagrant délit, le joint à la main, qu’ils fassent ce qu’ils veulent. En Attendant, je consomme un morceau de 250 dinars par jour et j’aimerai bien l’acquérir à 50 dinars», conclu-t-il, avec une franchise surprenante.

Pour Fayçal, un jeune ingénieur marocain qui travaille à Alger, il n y pas de doutes: «Les deux peuples attendent impatiemment la réouverture des frontières. On a la même culture et les mêmes traditions». Il considère aussi, que la réouverture des frontières est de nature à booster l’économie de la région. «Il y a une complémentarité économique. Nos deux pays ont diverses richesses avec lesquelles on peut devenir une puissance régionale», dit-il convaincu.
 FAROUK DJOUADI (Maghreb Emergent)

Aucun commentaire: